Alors, j'y vais, je me lance.
Ma petite bricole à moi, à partir d'un "kit" (en gros, un tas de planches et un plan...)
Cela va vous paraitre facile, mais, en vrai, ayez à l'esprit que cela s'étale sur six mois de boulot délicat et stressant.
(Pardon pour les photos qui ne sont pas terribles, sauf les dernières).
(Pardon encore, parce que ça risque d'être un peu long, mon histoire).
Je commence par la construction du squelette (base, traverses, contre-éclisses, sommier). J'ai construit un établi spécial pour l'occasion.
J'ai terminé le squelette. Je présente le clavier pour voir. Je le finirai plus tard (ajustage, équilibrage avec des petits poids en plomb, finition, polissage à la pâte à polir).
J'ai collé les éclisses (la caisse de résonance). Elles ne font que 4 mm d'épaisseur ! J'ai collé les moulures (que j'ai maintenues avec des dizaines de pinces à linges !) La découpe des éclisses a été très difficile (angles multiples).
Barrage de la table d'harmonie (exactement comme pour une guitare).
La table d'harmonie est barrée. Elle ne fait que 3 mm d'épaisseur. Elle est très fragile. Les trous sont pour le passage des sautereaux (petites pièces qui sautent, actionnées par les touches du clavier, et qui griffent les cordes).
La caisse est terminée, je la finirai plus tard (ponçage, polissage, etc.)
(à gauche, le piètement fini).
Et voilà ! à partir de maintenant, je n'ai plus droit à la moindre erreur, si minime soit-elle, alors que tout ce que je vais devoir faire est hyper dangereux et hyper risqué. D'où, quand même, un sacré stress, vu le travail déjà fourni.
Je colle la table d'harmonie grâce à une forêt de serre-joints (je me suis ruiné en serre-joints !) C'est l'opération la plus délicate : si elle est ratée, l'instrument ne sonnera pas et sera bon à jeter. J'ai protégé la caisse par un habillage en carton. (Je n'ose imaginer la pression totale de tous les serre-joints...)
La table est collée (ouf !) Quand on tape dessus, elle vibre comme un tambour (très bon signe).
Je perce la table pour les pointes d'accroche et les chevilles. Est-il utile de dire que tout cela doit se faire avec précision (extrême) ?
La table est percée. J'ai poncé, poli, ciré et lustré la caisse (elle est donc terminée).
J'ai posé et tordu les pointes, et j'ai enfoncé les chevilles à coups de marteau. Alors là aussi, du tact, du doigté (avec un marteau !), parce que c'est hyper risqué, évidemment.
Puis j'ai cordé l'instrument. J'ai taillé les becs (qui griffent les cordes) puis je les ai montés dans les sautereaux. Enfin, j'ai placé les feutres (rouges) dans les étouffoirs.
C'est terminé. Il ne reste plus qu'à accorder... Tension totale des cordes : entre 80 et 100 kg.
Le clavier. 4 octaves. On peut jouer énormément de choses (Couperin, Bach, etc.)
Alors, comme pour une moto, il y a un rodage à faire : accords fréquents au début, tension des cordes, réglages des sautereaux, acclimatation de la caisse aux saisons. Il faut bien compter deux années.
Et voilà le travail : une épinette vénitienne (petit clavecin). Comme vous l'avez vu, il ne s'agit pas de facture instrumentale, mais bien de lutherie. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le son est plus puissant et plus rond que celui d'un clavecin, avec des aigus cristallins, capable de longues tenues, et des graves réjouissants.
Squelette : tilleul et pin
Table : épicéa
Clavier : poirier et ébène
Caisse : noyer d'Afrique
Dimension : 160 * 50 cm. longueur de la plus grande corde : 140 cm. Poids : 18 kg !
(C'est un pur hasard si la forme de l'épinette correspond à celle de la pièce de mon ancien appartement parisien).
Pour conclure, je vous dirai que la première fois que l'on joue un vrai morceau sur ce que l'on a soi-même construit, et que ça marche, et que c'est joli, que ça vibre, que ça vit, cela procure une émotion que je ne peux pas vous décrire, et qui paie au centuple tous les mois de stress...
Voilà, les petits amis, c'est fini !
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