La loi du marché
Publié : 25 mai 2015, 10:45
Madame n'était pas partante pour Mad Max, je me le ferai tout seul plus tard. Ce soir c'était donc "La loi du marché", de Stéphane Brizé, qui avait fait aussi "Quelques heures de printemps" et "Mademoiselle Chambon", deux excellents petits films très "french touch". On aime bien Lindon tous les deux, on n'a pas été déçus. Quant au film, il est plutôt bon mais très (trop?) plombant.
J'avais fait le soir même une critique pour allociné mais je ne pensais pas en parler aux collègues motards. Ils ont d'autres centres d'intérêt qu'un bon film sans grand moyen à message socio-politique ou simplement humain, que je me disais. Mais Lindon a ramassé un prix d'interprétation masculine à Cannes (justifié, à mon sens), ce qui ajoute de l'importance à sa prestation, et donne du crédit au message du film. Et donc ma critique, je vous la propose quand même :
Vincent Lindon s'enfonce vers l'épure absolue. Il a perdu toute nervosité apparente, ne gardant que son silence obstinément respectueux et l'affaissement de ses épaules, écrasées par la vie qui plombe. Il disparaît à force d'être taiseux mais crève l'écran de plus en plus, en toute humilité, en symbiose totale au milieu de ses comparses, tous acteurs non professionnels d'après ce que j'en sais, tous impressionnants de justesse. Du grand Lindon, vraiment.
Dans ce film presque expérimental au budget visiblement étique, il incarne le jour le jour d'un quinqua cherchant comme il peut à rester debout, à échapper au rouleau compresseur de l'argent-roi. Au gré de ses galères de chômeur, coincé entre le béton et le bitume dont il ne sort que pour essayer de vendre son mobil-home, ballotté de l'agence pôle-emploi de sa banlieue au bureau de sa banquière bornée, il entame sa nouvelle vie de vigile au Cora du coin. Nous on le regarde se débattre, atterrés. On se demande quand il va craquer, le temps passe sans qu'il se passe grand-chose derrière l'implacable caméra souvent tressautante. On est saisi par l'acuité du regard de ce cinéaste-vérité et c'est presque trop pour qu'on y croie : chômage, épouse transparente, fils handicapé, petit boulot de flicage sous-qualifié pour garder la tête hors de l'eau, la machine infernale du capitalisme dernier cri va finir par l'avoir, c'est ce qu'on se dit. Mais on reste sur sa faim, parce qu'on ne sait pas ce que sa sortie de route finale, discrète et si digne, lui vaudra comme galère supplémentaire. Pour ce qui concerne ses proches, et notamment sa femme, on reste sur sa faim de même, et c'est dommage. On aurait quand même aimé entrer dans ce personnage important pour lui, la connaître mieux. Elle le côtoie mais, taciturne autant que lui, elle est inexistante, tout repose sur lui sans qu'ils se disent quoi que ce soit et le film n'en est que plus effrayant : on se demande combien de temps ce monde si silencieusement brutal, où il tente de rester humain, va tenir. C'est la vraie vie d'un tas de vrais gens que nous conte ce cinoche, pas des contes de fées, pour sûr. Mais à défaut d'humour, on aimerait quelques sourires, un peu d'espoir, des respirations. C'est du bon cinéma, mais... trop c'est trop, et c'est ce qui me retient, à chaud, de mettre quatre étoiles à ce bon film.
Euh...Bonne séance mes gens !
J'avais fait le soir même une critique pour allociné mais je ne pensais pas en parler aux collègues motards. Ils ont d'autres centres d'intérêt qu'un bon film sans grand moyen à message socio-politique ou simplement humain, que je me disais. Mais Lindon a ramassé un prix d'interprétation masculine à Cannes (justifié, à mon sens), ce qui ajoute de l'importance à sa prestation, et donne du crédit au message du film. Et donc ma critique, je vous la propose quand même :
Vincent Lindon s'enfonce vers l'épure absolue. Il a perdu toute nervosité apparente, ne gardant que son silence obstinément respectueux et l'affaissement de ses épaules, écrasées par la vie qui plombe. Il disparaît à force d'être taiseux mais crève l'écran de plus en plus, en toute humilité, en symbiose totale au milieu de ses comparses, tous acteurs non professionnels d'après ce que j'en sais, tous impressionnants de justesse. Du grand Lindon, vraiment.
Dans ce film presque expérimental au budget visiblement étique, il incarne le jour le jour d'un quinqua cherchant comme il peut à rester debout, à échapper au rouleau compresseur de l'argent-roi. Au gré de ses galères de chômeur, coincé entre le béton et le bitume dont il ne sort que pour essayer de vendre son mobil-home, ballotté de l'agence pôle-emploi de sa banlieue au bureau de sa banquière bornée, il entame sa nouvelle vie de vigile au Cora du coin. Nous on le regarde se débattre, atterrés. On se demande quand il va craquer, le temps passe sans qu'il se passe grand-chose derrière l'implacable caméra souvent tressautante. On est saisi par l'acuité du regard de ce cinéaste-vérité et c'est presque trop pour qu'on y croie : chômage, épouse transparente, fils handicapé, petit boulot de flicage sous-qualifié pour garder la tête hors de l'eau, la machine infernale du capitalisme dernier cri va finir par l'avoir, c'est ce qu'on se dit. Mais on reste sur sa faim, parce qu'on ne sait pas ce que sa sortie de route finale, discrète et si digne, lui vaudra comme galère supplémentaire. Pour ce qui concerne ses proches, et notamment sa femme, on reste sur sa faim de même, et c'est dommage. On aurait quand même aimé entrer dans ce personnage important pour lui, la connaître mieux. Elle le côtoie mais, taciturne autant que lui, elle est inexistante, tout repose sur lui sans qu'ils se disent quoi que ce soit et le film n'en est que plus effrayant : on se demande combien de temps ce monde si silencieusement brutal, où il tente de rester humain, va tenir. C'est la vraie vie d'un tas de vrais gens que nous conte ce cinoche, pas des contes de fées, pour sûr. Mais à défaut d'humour, on aimerait quelques sourires, un peu d'espoir, des respirations. C'est du bon cinéma, mais... trop c'est trop, et c'est ce qui me retient, à chaud, de mettre quatre étoiles à ce bon film.
Euh...Bonne séance mes gens !